Une nouvelle bourrasque, plus violente que les précédentes, força de nouveau Ismael à se plaquer contre un mur pour ne pas trébucher.

Depuis combien de temps cet orage démesuré était il en train de gronder au dessus d’eux ?

Depuis combien de temps chaque pas devenait une véritable corvée sur le sol glissant et boueux ?

Dire que ce matin encore, quand elle avait quitté le clan, un sublime soleil l’avait accompagné. Depuis, les choses avaient bien changé. Des petites rivières et d’immenses flaques se succédaient au sol, faisant constamment vaciller la silhouette oh combien fragile de la voyageuse et à l’allure si pitoyable selon ses critères.
Étant partit sur l’idée de « journée chaude estivale en compagnie de son namoureux », la tenue que portait la demoiselle n’avait donc aucune capacités pour résister à un temps pareil. Son short noir était trempé et lui collait au corps comme une deuxième peau tandis qu’à chacun de ses pas rendu difficiles par les éléments, ses bottes produisait un « spruitch » humide et gluant, ayant finit de perdre le dernier reste d’imperméabilité. Sa simple veste épaisse n’arrivait même plus à l’isoler du froid qui lui faisait claquer des dents et frissonner, et ce n’était pas le débardeur rouge qui pourrait l’aider. Mais ce genre de pensée vestimentaires n’étaient pas possibles actuellement, il ni avait aucun vêtements dans sa modeste garde robe pour lui servir à cet instant précis… il fallait donc reprendre sa route pour ne pas perdre de « vue » son master, visiblement insensible à la colère des éléments, fendant la foule sans difficultés et ne prêtant que peu d’attention à sa personne résistant difficilement aux vagues humaines.

Car même en pleine tempête il y avait toujours un monde fou dans la partie civile de la ville… la plus animée et la plus insupportable pour l’aveugle à vivre. La foret, les bestioles et les déserts, ça c’était encore gérable, son don pouvait être facilement maitrisé… mais une rue pleine de passants bougeant dans tous les sens, c’était le genre de truc qui forçait Ismael à rester aveugle, se plongeant dans un brouillard bruyant et chaotique où, il fallait l’avouer, la moindre incartade conduisait à se perdre tout simplement dans les ruelles du coin. Des corps, des odeurs, des cris… tout semblait se démultiplier à l’infini au milieu du vacarme de l’orage et du vent qui mugissaient en s’introduisant dans les rues avoisinantes. Du vent… encore et toujours puis un éclair et le tonnerre qui retentit… un nouveau mouvement de foule plus puissant que les autres…

« Quand je pense que je me plaignais du climat londonien… »

Mais ce n’était pas le climat… ce mouvement là ne provenait pas de quelque chose d’habituel.

En moins de temps pour qu’elle ne s’en rende compte ou qu’elle puisse l’esquiver, Ismael sentit un coup violent dans le ventre provenant de mouvements brusques puis son corps perdre la route que suivait jusqu’à maintenant Tael. Elle entendait sa voix et tandis le bras, hurlant elle aussi son nom pour se faire récupérer mais comment lutter ? Il avait été là, durant une seconde, elle en était sure, il avait été là… d’abord proche puis, plus loin, jusqu’à ce qu’elle perde son odeur et le son de sa voix, jusqu’à ce que sa présence disparaisse. Autour d’elle… ça bougeait et ça courait.

Bientôt les son de l’orage devinrent un bruit de fond, couvert par des cris et des courses précipités.. et la jeune fille ne pouvait lutter. Incapable de comprendre et de se situer, la voyageuse se sentit happer par une nouvelle vague, puis une nouvelle bourrasque et puis plus rien… où était elle ?

La demoiselle percevait encore des sons et des cris plutôt proches… une terreur sourde s’empara de son corps et l’obligation de voir ce qui l’entourait s’installa en elle comme un ultime appel au secours. Les cheveux trempés, collés contre son visage ne purent pas cacher la dure vérité qui apparut à Ismael lorsqu’elle se permet une rapide vérification : Non seulement elle était totalement paumé mais en plus… quelque chose était dans le coin, et pas si loin que ça. Une masse énorme qui se mouvait devant elle, à une grande distance… mais son corps se dessinait clairement sous les trombes d’eau pour l’anglaise.
La voyageuse déglutit tandis qu’instinctivement, son regard noir chercha au milieu du rideau de pluie une sortie possible.

Dans le coin de la place, un rapide sentier serpentait vers une colline au loin… et bien que la pente soit rude elle n’aurait pas besoin d’utiliser d’avantage ses yeux pour s’y rendre, et puis avec un peu de chance, Tael s’y était rendu pour la retrouver. Ni une ni deux, Ismael commença sa route pour finalement déboucher sur ce qui paraissait être une colline vide de toutes habitations.
Le vent y était encore plus fort et les nuages qui s’amoncelaient au dessus de sa tête ne présageaient pas d’accalmie prochaine… c’était ce que lui avait révéler une nouvelle fois son don. Personne non plus à première vue. Enfin… rien qui ne ressemble au corps de rêve de son master… quoi que…

Plissant des yeux et rabattant désespérément ses cheveux qui continuaient de lui gâché la vue… est ce qu’elle avait bien pu voir quelque chose bouger ? Pas à coté non… plus loin…plus en avant vers le bord de la colline… là où une étendue de roche paraissait surplomber les ruelles où tout avait commencé. S’approchant avec difficultés, luttant et tremblotant, la voix de la jeune fille se fit entendre dans un ataraxien des plus basiques

« Hey ! Y’a quelqu’un ? »

Avait elle rêvé ?

Ismael avait vaguement entendu la réponse au milieu du hurlement de l’orage, une chance d’ailleurs qu’elle n’est put percevoir l’ennui qu’elle avait créé chez son « camarade ». Son égo aurait subit un certain choc à ce pas douter.
Ce n’était pas le bruit qui l’avait dérangé, l’empêchant d’entendre correctement cette phrase teinté d’irrespect et de désintérêt profond digne d’une personne de haut rang. Non. Ni même le vent ou la quantité d’eau impressionnante qu’elle avait dans les oreilles grâce aux bourrasques violentes… à tout casser elle aurait demain une bonne otite mais aucuns autres dégâts sur ses capacités auditives n’étaient probables à l’heure actuelle. Non. Ce n’était pas non plus le fait qu’elle soit déconcentrée par le froid qui avait envahit son corps, la glaçant jusqu’au os ou le besoin viscérale qu’elle avait de retrouver son maitre, de s’assurer qu’il allait bien.

C’était autre chose.

Quelque chose de bien moins subtile qui l’avait bloqué, la faisant perdre pied et oublier un court moment où elle se trouvait, avec qui, pourquoi, comment et bien d’autre questions existentielles métaphysico-philosophiques…
C’était une vague de pure horreur qui lui dévorait les tripes, lui faisant échapper un petit cri d’horreur oh combien compréhensible. L’ombre qu’elle avait aperçut il y’avait quelques minutes encore… maintenant qu’elle pouvait enfin voir ce à quoi cette chose ressemblait, Ismael bénit les dieux de ne pas l’avoir mis face à cette créature.
C’était juste monstrueux, immense et tout bonnement répugnant.
Aucun autre mot n’arrivait à définir ce qu’elle voyait, mais une chose était sure, cette créature n’était pas issue de son clan et encore moins de la planète Khalis, c’était impossible. Bien que terrienne, Ismael avait finit par connaitre certaines créatures qui peuplaient la planète, les traits généraux qu’elles pouvaient posséder, et même si, généralement, les bestioles qui courraient dans la foret étaient exceptionnellement moches, celle-ci était bien trop répugnante pour avoir pu être engendré par la planète. Elle manquait de grâce, elle était pataude et destructrice, comme inadapté à sa morphologie… c’était ce qu’elle voyait en tout cas, surement aidé par son don qui faisait luire la carapace de cette énorme milles pates de multiples taches rouges vives.

Une seule solution était possible : ce machin répugnant était issue de la folie humaine, ou plus exactement de la folie Ataraxienne. Et un seul type d’individus pouvait oser manipuler ainsi l’essence même de la nature, celui des Adratès.
Une des premières leçons de Tael fut d’apprendre à la jeune anglaise l’organisation de la ville, de la famille royale et surtout de la tenir au courant de certaines habitudes fréquemment malsaines des clans opposés. Ne comprenant que la moitié des informations, un tableau très représentatif c’était crée dans l’esprit de la voyageuse pour illustrer les clans, enrichit par quelques brèves rencontres en ville. Les nemesis, dans son esprit, avait acquis l’image de gros paranoïaque un brin no life, bien plus habiles devant un objet mécanique que dans les relations humaine. Rien de bien sympathique mais qui pouvait être encore supportable.
Par contre les adratès… eux… ils lui faisaient penser à certains savant fou des films d’horreurs terriens. Et envoyant cette énorme insectes tranchant et un peu con sur les bords, vu qu’il paraissait bloquer contre un énorme mur sans savoir comment réagir, la jeune fille acquis la certitude qu’il ni avait qu’un savant totalement psychopathe sans aucune notion de bon gout pour pouvoir faire une chose aussi répugnante, dégoutante et malsaine. Et bien que son maitre lui ai apprit le respect pour les clans, une rancœur existait chez de nombreux Shiverains au sujet des Adratèns qui osaient manipuler les êtres vivants les faisant grandir et évoluer contre nature qu’Ismael commençait à comprendre. Jamais elle n’avait vu une créature causer autant de dégât, ni même une arme humaine. Un chaos sans nom semblait naitre dans les pas du monstre, qui ne semait que destruction et terreur dans la population sans protections.

« My god… »

Et dire que master pourrait être là dedans

Les poings serrés à s’en blanchir les jointures, les ongles enfoncés dans ses paumes des mains, incapable de se détourner de la vision cauchemardesque, Ismael suivait sans pouvoir réagir la scène. Sans pouvoirs réagir car c’était un ordre formel du clan, si les adratès étaient dans le coin… elle n’avait pas le droit d’user de son don et de révéler ainsi son existence, ou seulement si la vie de son maitre était en danger. Mais ne pouvant vérifier sa présence, la demoiselle se devait de rester immobile et d’attendre. Attendre quoi ? Aucune idée… mais en tout cas elle ne pouvait prêter main forte. Autant ne rien voir alors plutôt que de subir cette scène. La seconde qui suivit, Ismael redevint aveugle et replongea dans la nuit obscure qu’elle avait prit l’habitude de côtoyer. Les sons revinrent alors subitement, la sensation de la pluie sur son corps et son visage devint plus nette et l’odeur de poussière, de terre humide et de quelques chose d’autre apparurent tout comme la présence à ses cotés de cette fameuse personne. N’ayant put le voir suffisamment précisément, elle n’avait eu que la rapide vision d’un angle mort plutôt important avant de changer de « centre d’intérêt ». Mais même sans ses yeux, l’étrangeté de cette personne restait tout aussi voyante.

Aucune réactions… aucun mouvements… tout l’opposé d’Ismael. Il pouvait dormir, méditer ou être mort que ça ne changerait rien mais en tout cas, il n’avait pas l’air choqué par ce qu’il voyait. Avait il un lien avec cette créature ? Non… un homme capable d’une telle horreur n’est pas fou au point d’admirer son bébé tout casser, c’était bon pour Frankenstein ce genre de réaction.
En temps normal, la voyageuse aurait gardé le silence pour se faire oublier, mais trempée, angoissée et terrorisée la seule qu’elle voulait actuellement c’était se défouler et hurler pour avoir des nouvelles de la seule personne qui pourrait remarquer sa disparition.

« Occupé ? Vous comptez admirer la vue encore longtemps ? C’est si bien de voir cette chose » Siffla la jeune femme en tournant son visage vers l’endroit où elle passait voir l’individu mystère, ses yeux laiteux exprimant un mélange d’énervement et d’incompréhension devant une telle absence de réactions. Elle aurait aimé dire plus, elle aurait aimé l’envoyer balader, lui hurler d’agir et de prévenir quelqu’un, mais son niveau en langue était trop faible et la seule chose qui lui venait c’était des insultes anglaises, choses à bannir donc.

En plus une menace venant d’un aveugle sur Ataraxia ce n’était pas la chose la plus terrifiante qui existe.

Ou l’art et la manière de faire réfléchir une bimbo.

Parfois le destin faisait bien les choses. Cette fois ci il permit à la jeune voyageuse de ne pas s’attirer des ennuis phénoménaux en ne la faisant pas comprendre la plupart des mots de son camarade. Car si la demoiselle avait réussit à saisir toutes les nuances et tous les dires de celui-ci, il était clair que la première chose qu’elle aurait fait (après avoir hurlé comme une furie) aurait été de lui balancer un peu d’acide dans la tête, déjà très amochée, de son voisin. Sauf que le voisin était quelqu’un d’important, et les gens importants il valait mieux éviter de les attaquer dans un excès de colère typiquement féminin. C’était donc une chance et un avantage certains de ne rien comprendre… pour une fois. Et avec la météo désastreuse combinée avec le désintérêt total que cet homme lui portait, Ismael n’avait pas besoin d’user de son grand jeu d’actrice pour donner l’impression de maitriser totalement la situation, avec un air profond et tout ce qui va avec. Non… elle se contenta de rassembler les mots qu’elle avait compris pour en tirer une quelconque information. Plissant les yeux, rassemblant les maigres informations se faire analyser et installant un silence studieux Facile à dire… plus dur à réaliser. Comment se donner l’air d’être une cruche totale

Il y’avait eu des termes de combats c’était sur.

Ce niveau de vocabulaire elle le possédait facilement vu que son cher maitre n’avait pas envie de se retrouver avec un cretin comme garde du corps. Une fille incapable de se battre au corps à corps était déjà suffisamment difficilement à gérer. Mais techniquement ce n’était pas un plan de bataille.. ou alors cet homme possédait autant de motivation qu’un bigorneau pour passer à l’attaque, détail bien étrange sur Ataraxia où la majorité des gens appréciait l’activité de détruire du gros monstre. Ce n’était pas ça, il y’avait autre chose. Quelque chose qui clochait et dont la jeune fille n’arrivait pas encore à savoir pourquoi. Il fallait repasser ces phrases… et il ni avait pas un mode replay bien sur dans la réalité. Les secondes se succédaient et la jeune fille commençait déjà à fatiguer, à force de chercher à se souvenir de phrases qu’elle ne comprenait pas, trop rapide et dans un langage qu’elle n’avait pas l’habitude de fréquenter, Tael essayant toujours de faire passer simplement et avec le moins de mots possibles ses ordres.

Ha ! Bin voila ! Réflexion intéressante ! Bien qu’elle n’ai pas prêté attention à sa tenue, ce mec devait être d’une classe aisée pour employer de tels mots. Il y’avait peu de chance que se soit un pouilleux comme on en trouve beaucoup dans la ville. Et oui… elle avait bien pensé pouilleux. Bien qu’elle soit voyageuse, qu’elle ne comprenne rien et qu’elle ne vive que par le bon vouloir de quelques individus du clan Shivera elle n’était pas une pouilleuse. Elle avait un peu de culture… bon pas celle de la bonne planète mais elle en avait ! Elle savait se brosser les dents et prendre des douches régulièrement. Rien que pour la partie hygiène corporelle lui assurait de ne pas faire partie de la caste pouilleux.
De plus, il avait utilisé beaucoup d’article de possession… soit il était égocentrique (probable) soit il avait un lien avec la créature qui s’amusait à détruire la ville comme un mauvais monstre en mousse de films japonais. Dans ce cas ce mec était du clan Adratè et elle devrait essayer de se carapater avant de faire une erreur ou qu’il ne fasse quelque chose de typiquement adratèens. Quoi ? Aucune idée… Mais pourquoi lui dire qu’il pouvait l’aider à le détruire ? C’était totalement incompréhensible et illogique.
De toute façon elle ne pouvait pas user de son don, comment pouvait on demander à une aveugle de passer au combat ? Connaissait-il sa vraie identité ? Devait-elle partir en hurlant au viol ? Avait elle bien remplit la gamelle de Khalad avant de partir ?

Je crois que je m’égare là…
Qu’est ce qu’elle pensait déjà ? Depuis combien de temps cherchait-elle à comprendre le sens pas si bien caché des phrases de ce mec ? Aucune idées mais il fallait bien avancer. Un nouveau coup de tonnerre se fit entendre, mais un peu plus loin que la dernière fois.
L’orage commençait il à disparaitre ?
Si c’était le cas, alors la pluie s’arrêterait et le flair de tigre pourrait la retrouver à coup sur. Mais pourtant la pluie ne ralentissait pas, continuant d’inonder le visage de la métis, de même le vent continuait de faire son œuvre, forçant la jeune fille à s’accroupir pour chercher à échapper au froid. Avec cette position, la voyageuse avait perdu légèrement l’emplacement de cet homme étrange et chercha à se tourner vers là où Ismael imaginait sa présence.

« C’est dur pour moi de faire quelque chose contre cette chose ».
Bon ok, on avait fait mieux en réponse mais l’avantage de celle-ci était de pouvoir répondre quelque chose sans trop s’étaler et montrer ainsi que plus de 75 % de la réponse n’avait absolument pas été comprise. Sachant que dans les 25% restant prêt de 20% était encore sujet à débat linguistique et que le reste était des termes de combat, elle ne devait pas être loin d’une réponse acceptable pas vrai ? Rho et puis me*de hein, elle avait autre chose en tête pour l’instant.
Ouvrant sa veste et frissonnant sous le contact du froid mordant contre sa peau nu, la jeune fille passa une main dans son dos, geste bien étrange vu la situation, et parut chercher quelque chose. Quelques secondes plus tard, d’un mouvement habile de ses doigts elle réussit enfin à s’emparer de deux dagues de jet, soigneusement arraché dans son dos. Plus pratique que de les pendre à la ceinture quand ils étaient en ville, il y’avait cependant quelques désavantage à porter sous son t-shirt des armes blanches. Ca grattait et le coté pas rassurant d’avoir une lame contre la peau forçait à avoir des mouvements un peu plus délicat. Combien de fois c’était elle elle-même égratignée ? Un peu trop à son gout mais c’était les désavantage du « métier ».
A cet instant précis, la voyageuse portait sur elle six dagues de jet, deux dans son haut, deux sous son short et une dans chacune de ses chaussures, entre le cuir et sa cheville. C’était inconfortable mais le minimum requis par Tael qui se gardait très bien tout seul. Un armement pour la forme quoi…

« Mais allez y… je vous regarde » Conclu ironiquement la jeune femme, refermant sa veste et tendant vers ce qui devait être l’endroit où se tenait le savant fou, sans se douter qu’une aveugle qui avait sur elle des dagues de jets, c’était aussi étrange qu’un homme qui voyait des petits bonhommes rouges lui parler.

A moins qu'Ismael n'est quelque chose en tête...

Ne pas le rater. Bien sur qu’elle n’allait pas le rater, gros cretin! C’était la seule chose qu’Ismael devait faire dans sa vie sur cette planète pourrie, le seul objectif qui devait toujours être réalisé. C’était son boulot, son job et la seule chose qui faisait qu’elle vivait encore. En plus bousiller une aussi jolie bestiole avec une arme encore jamais utilisé, il y avait un coté plaisant et exotique qui n’était pas souvent d’actualité pour la voyageuse. Hum voila que je deviens sadique…
Sauf que voila, on lui permettait ce genre de moment de pure plaisir seulement quand elle ne pouvait le faire. Forcement… sinon ce n’était pas drôle ce genre de situation. Parce que voir une aveugle qui réussit du premier coup ce genre de tir, ça ne court pas les rues… et il y avait fort à parier que son camarade puisse trouver cela plutôt étrange. Alors comment réagir ? Devait-elle laisser ses pulsions de snipeur frustrée prendre le dessus sur sa raison ou agir avec finesse ?

La voyageuse n’avait pas le droit à l’erreur sur ce coup là, sinon ça allait chauffer pour son matricule. Rester à savoir comment profiter au maximum de sa situation qui pouvait présenter quelques avantages, tirer le meilleur et pouvoir ainsi ne pas se faire gronder dès qu’on la retrouverait.

Laissant l’homme finir de parler de son idée, la jeune femme écouta d’une oreille distraite le blabla explicatif, saisissant les grandes lignes. Tout ceci n’était encore qu’une expérience dont elle était devenue le sujet, au même titre que le godzilla d’à coté .
Décidément ce mec devait être un sacré membre des Adratès, pas besoin de douter. Vu le matériel et sa manie de tout tester… un haut gradé donc. Mais à quel point ?
Les mains d’Ismael se mirent à voyager sur l’arme rapidement, mue de leurs propres volontés, effleurant les courbes pour visualiser l’objet dans son esprit, laissant ses sourcils se froncer de réflexion.

Un canon empaleur ? C’est pas de chez nous ce genre d’arme, je me demande bien comment ce machin peut fonctionner. J’en connais un qui va être content si je l’utilise….

La texture en elle-même était bien étrange, voir indéfinissable et mieux valait il ne pas savoir de quoi était fait cette chose étrange. Mais cette arme avait attisée la curiosité d’Ismael. Pour être située à cette distance, il devait y’avoir une sacrée vitesse et une puissance tout aussi importante pour être capable de détruire une cuirasse comme celle de la créature géante. Bref pas une arme de lopette…
La jeune fille prit un léger recul, gardant sa main droite sur l’objet et profitant du mauvais temps pour faire passer son placage de cheveux comme un geste naturelle, s’assurant ainsi de camoufler ses yeux et une partie de son visage. Dans le doute de pouvoir recroiser ce genre d’arme autant faire le maximum maintenant pas vrai ?

« Et vous me donnez quoi pour ça ? »

Non parce que même sur terre une expérience c’est payant, avec un peu de chance Ismael pourrait ainsi récolter quelques pièces qui lui permettrait l’illusion d’être autonome financièrement. Tout en parlant, de dos à son interlocuteur, la jeune réactiva son don pour laisser l’horizon s’éclaircir encore une fois. Va falloir que je me calme niveau utilisation quand même… Pas de secondes à perdre, l’image qui apparut aux yeux de la jeune fille devait être retenue dans tous ses détails, scrutant les moindres points faibles sans pour autant bouger, ne laissant rien paraitre et vérifiant la trajectoire du possible projectile.
Une vision qui lui permettait de dire avec affirmation que ce gars était aussi aveugle qu’elle vu que le projectile et l’inclinaison était plutôt pitoyable. Sur qu’il allait falloir remettre tout ça en place si la jeune fille ne voulait pas détruire une partie de la ville

« Pour avoir ça… vous devez pouvoir me filer quelque chose non ? Et si vous expliquez pas comment ce truc marche je peux pas tirer »

Oui forcement on ne peut pas inventer le fonctionnement d’une arme, surtout quand on vient du bas peuple.
Et puis avec de la chance (encore et toujours de la chance) elle aurait quelques explications basiques compréhensibles qui pourraient toujours être pratiques. Redevant aveugle, elle fit face à ce qui devait être la place de l’homme, décalant très légèrement sur le coté le canon dans le même mouvement pour celui-ci passe inaperçu.

Ce mec méritait un oscar. Même pas besoin de comprendre ce qu’il racontait, vu la colère dans sa voix, il était clair qu’Ismael devait oublier sa récompense monétaire. Ha cruel monde tragique. La voyageuse c’était donc fourvoyée du début jusqu’à la fin. De un ce mec n’avait pas de fric. De deux il n’était pas insensible. De trois c’était juste un arnaqueur qui voulait qu’ELLE bosse à sa place pour ensuite récolter le fric. Typiquement le genre de gros nuls qu’on croise un peu partout sur cette planète. Là encore, elle n’avait pas tout compris… pourquoi cet homme s’amusait il à autant parler ? A moins qu’elle ne commence à prendre de mauvaises habitudes avec son Master si bavard. Bien, dans ce qu’elle avait réussit comprendre il y’avait le mode de fonctionnement de cette machine bien étrange, le principe de beaucoup de morts et le fait que tout seul il ne pouvait pas vaincre la bête.

Pour le reste, il fallait imaginer. Si elle ne faisait rien il y’aurait plein de morts, la souffrance, le déshonneur sur sa famille ou elle ne savait quoi. Pas le genre de discours que tiendrait un habitant de cette ville ça par contre, les membres des clans ayant pour habitude de se soucier de la population lambda comme de leurs premières paires de chaussettes. Une fois n’étant pas coutume, Ismael devenait donc la garce insensible de l’histoire, et ce pour la première fois ! Finalement il y’avait de grande chance qu’elle soit devenue une créature insensible à force de devoir trucider les inconscients qui osaient pénétrer sans invitations dans le domaine des Shivera. Qu’est ce qui ne fallait pas faire pour ne pas se faire zigouiller. Aurait-elle le courage de continuer cette mascarade ? Oui, et ce n’était pas le moment de se dégonfler. Il fallait oublier les victimes potentielles et les morts en train de se produire par sa faute. Gardant son attitude, la voyageuse se rapprocha légèrement de Matthew, affichant un visage sur et déterminé.

« Ton matériel et mon tire, ça nous fait 50/50 pour ton salaire. D’accord ? Sinon je pars et je te laisse tuer la bête tout seul, si tu y arrive»

Elle aurait put finir la discussion ici, elle aurait même dut la finir ainsi. Le laisser faire son choix sans rien ajouter. Mais comment résister à l’envie de se justifier ? Non… Ismael n’était pas une personne insensible, elle n’avait juste pas beaucoup de vocabulaire pour exprimer le chaos qui habitait son esprit à cet instant.

« Et ne dis pas que je suis une pourrie. C’est comme ça qu’on vit chez moi. Alors tu paye ou tu laisse les gens mourir ! Ici c’est toi qui a le choix et qui décide qui meurt ou pas »

Tout en parlant, elle n’avait pas réussit à retenir la colère dans ses mots. Mais une colère orientée vers qui ? Vers elle, qui ne pouvait agir et mettre en danger sa couverture gratuitement ou envers cet homme qui refusait de satisfaire sa volonté ? Ne pouvait-elle pas juste une fois imposer ses opinions ? N’avait elle pas le droit à un peu de respect ? Ce mec avait plus de fric qu’elle, ça se voyait au premier regard ! D’ailleurs ce n’était même plus une question d’argent mais juste l’envie d’avoir le dernier mot.
Bon dieu elle voulait qu’on l’écoute ! Elle voulait qu’on la prenne un peu en considération !
C’était trop demandé ? Au fond d’elle, l’adolescente humiliée et transformé en marionnette hurlait et frappait du pied pour avoir un peu de respect et d’obéissance. Comme avant. Comme quand on la suppliait quasiment de participer à une fête ou de sortir avec un mec. Quand ses parents lui offraient le portable qu'elle voulait juste avec un sourire et des promesses de bonnes notes

«Et ne lève pas la voix contre moi ou tu va le regretter »
Conclu finalement la jeune métis, continuant de toiser de son regard vide et laiteux cet individus qu’elle ne voyait plus.
Cette phrase n’était pas d’elle mais bien de Tael qui le disait de nombreuses fois. Les rares moments où il était un peu loquace avec ses hommes parce que si ce mec n’était qu’un simple homme de main… Ismael pouvait finalement s’en occuper seule. Bien sur c’était tomber dans le barbarisme et la violence que de s’attaquer à un homme qui ne lui avait rien fait… mais ce besoin de reconnaissance et de respect allait finir par la rendre folle.

Dire qu’Ismael n’avait pas sentit la baffe arriver aurait était un mensonge. La voyageuse l’avait sentit venir celle là, vu qu’elle l’avait un peu cherché. Autant savoir quand la punition allait survenir pas vrai ? Mais pourquoi devait-elle s’y attendre ? Qu’avait elle fait de mal en fait? Avoir son mot à dire, vouloir imposer sa volonté, s’opposer à quelqu’un… c’ était interdit ici ? Pour elle oui. Visiblement. C’était ça qui était douloureux en fait, de retrouver sa place si rapidement, mettre fin à un espoir stupide et comprendre ce que cela signifiait d’être elle.

Ferme là.

Plus douloureux que la brulure sur sa joue. Plus que l’effondrement d’un rêve. Plus que ce coup dans son égo. Elle n’avait pas le droit de s’exprimer… et puis d’abord elle ne pouvait même pas le faire. Déjà qu’elle ne comprenait que des mots guerriers… sans savoir parler de ce qu’elle ressentait. La jolie poupée qui ne savait faire que tuer, et encore ! Même pas pratique comme objet. Ca c’était une sacrée gifle, c’était pitoyable… c’était tellement douloureux.



Les poings de la jeune fille se fermèrent jusqu’à blanchir ses phalanges, son corps c’était contracté et préparés mais pourtant, sa tête n’avait rien esquivé. Ismael ne pouvait pas les ignorer, ces bouts de phrases qui remontaient dans sa mémoire comme de nombreux traumatismes toujours présent en elle. La raison de sa crainte du combat physique, la terreur qu’elle ressentait pour les individus de cette planète. L’odeur de l’alcool… la pluie de coups. Tous ses souvenirs qui remontaient difficilement dans son esprit juste à cause de geste. Est-ce qu’il réalisait cette souffrance là ? Non… ce mec ne le savait pas. Et même si il le savait il s’en foutrait… comme tout le monde ici. Et il osait faire des leçons ?



Toujours aussi insensible à la gifle, se contentant de fixer cet homme, luttant contre l’envie d’hurler et de taper ce mec… cet enfoirè qui n’avait aucune différence avec son ancien maitre. Essayer de rester noble, au dessus de cet homme, juste un peu… un tout petit peu et enfouir tout ça au plus profond d’elle. Il fallait que la voyageuse s’en aille. De toute façon que pouvait-elle bien faire ? Une fois sortie de la protection de son maitre… Ismael n’était plus rien : elle ne savait rien faire, elle était inutile. Si seulement elle avait était sur Terre, elle l’aurait rembarré ce batard qui lui faisait la morale mais qui était bien pire. La frapper pour une différence d’opinion, n’était ce pas typiquement Ataraxien ? C’était pas devenir comme les autres qui se croient au dessus de tout ? Mais bon, soit. Quand on a passé prés de deux ans de sa vie à servir de punching ball aveugle on finit par accepter. Qu’il la frappe s’il le souhaite, qu’il la tabasse même… la métis se contentera d’encaisser sans réagir. C’était ça qu’il fallait qu’elle fasse hein ? Se taire.

Ne plus bouger.

Etre tétanisée

Un mouvement d’air, un bruit de vêtement froissé, quelques détails anodins qui suffisait aujourd’hui à rendre la jeune fille amorphe, sans aucunes réactions pour ne pas attiser la colère.
Quelques secondes passèrent, sans sortir de sa torpeur, la voyageuse était aussi immobile qu’une statue. Une gifle. Rien de plus ? Elle pouvait reprendre le cours de sa vie, c’était à elle de réagir . Maintenant bouger, partir, ne plus rien dire. Voila…. Tout simplement.
Mais son corps ne lui répondait pas. Ismael ne voulait pas partir sans avoir donné son dernier mot.

C’est avec une douceur bien étrange que la demoiselle passa une main dans ses cheveux pour les replacer sur son regard, pure moment de recoiffage en apparence, agissant comme si il ne c’était rien passé. Puis elle esquissa un sourire peste qui allait pourtant si bien sur son visage. Inconsciemment, elle avait exécuté un léger déhancher typiquement féminin, mettant en valeur sa silhouette et c’était permis un petit bruit de dédin.

Dans son esprit, la carte du lieu était présente, les distances calculées et retenue. L’orage avait finit d’hurler au dessus d’elle.

« Fucking man…You speak too much»
Réponse en anglais dans un murmure, à défaut de pouvoir l’insulter en ataraxien. C’était le juste retour des choses. Ne venait il pas de la rabaisser ? De lui rappeler le dégout qu’elle devait inspirer ? Comme si elle ne savait pas déjà où était sa putin de place dans cette cité merdique.
Baissant la tête pour déclencher son don en une fraction de seconde : visualiser, stopper, tirer.
Les deux dagues de jet étaient encore dans ses mains, et sans retirer se sourire faussement amicale qu’elle lança la première d’un mouvement rapide de la main. Le geste était parfait et la dague vint s’encastrer dans l’arbre situé à 5m de l’étrange couple tandis que la deuxième, dans un mouvement qui dura moins d’une seconde et utilisant l’angle mort de son agresseur vint se planter entre ses pieds dans la terre rendue meuble par la pluie, filant dans l’air sans un bruit.

« Refait… et je ne te louperai pas »

Elle eu un dernier sourire et fit quelques pas pour s’éloigner de cette stupide colline.

Sans même lever le visage et sans prêter plus attention aux mouvements à coté d’elle, Ismael continua sa course, non sans avoir adressé un dernier sourire à la créature, loin de la surprise qu’on aurait pu attendre chez un individu soudainement confronté à une telle créature. Un simple traqueur pas vrai ? Bien sur qu’un traqueur n’aurait pas avec lui de chimères et un tel équipement. Chimères qui par ailleurs n’avaient pas échappés au regard de la voyageuse. Pourquoi ce dernier geste ? Pourquoi couper court à cette discussion qui tournait au vinaigre ? Les chimères…Voila la raison de sa non attaque et de sa fuite.
Lorsqu’elle avait jeté un dernier regard, les taches rouges avaient envahit son champs de vision… et même sans trop de connaissances, la jeune fille savait qu’elle n’aurait put survivre dans un combat avec ces créatures. Surtout avec son équipement actuel. Un traqueur, des chimères et une telle arme ? Peu de chance que cet homme lui dise la vérité. C’était un friquè doublé d’un menteur et manipulateur. Il s’en moquait de la population. Il s’en moquait d’elle. Peut être avant aurait il eu ce qu’il voulait mais maintenant… hélas pour lui, la voyageuse avait apprit à se méfier des gens sur Ataraxia et de leurs paroles, aussi mielleuses ou convaincantes qu’elles soient.

Oui… elle avait bien fait de ne pas tirer sur cette arme qui le faisait très bien toute seule. E t si Ismael c’était permis de l’insulter en anglais, elle ne pouvait faire autre chose au risque d’attirer des problèmes à son maitre… au mieux il l’oublierait rapidement, comme tout le monde ici. La voyageuse ne serait bientôt qu’un vague souvenir qui allait disparaitre. Une chose sans intérêt comme elle l’était depuis prés de deux ans. Tout redeviendrait rapidement normal. Dans 15 mètres, elle atteindrait le petit chemin qu’elle avait emprunté quelques minutes auparavant. Puis un chemin qui allait durer prés de 50metres avant de retomber sur la place et là… et bien sans argent et seule, sa survit était plus qu’aléatoire. M’enfin

Étrangement, elle ne ressentait pas de déception pour cette courte rencontre, juste un ennui d’avoir perdu son temps et d’avoir eu une nouvelle preuve de son incapacité à savoir agir seule. Bonne qu’à savoir se servir d’une arbalète. Tout comme cet homme allait l’oublier… elle oublierait rapidement cette rencontre. Car il était comme les autres ici… cela ne faisait que conforter son opinion sur la grandeur de son maitre. Tael ne l’aurait pas frappé. Une boule d’angoisse apparut dans sa gorge. Elle était seule… il n’était pas encore arrivé.

Qu’allait-elle faire maintenant? L’orage avait finit hurler et bientôt le soleil reviendrait… la pluie se stopperait et Khallad ressentirait son odeur. Tout irai bien… elle allait retourner dans son ersatz de vie, relie à jamais par celle de son maitre. Triste pas vrai ? Que pouvait-elle faire d’autre ?

La changement de pente commença à se faire sentir… le bruit de la déflagration l’avait un peu fait sursauter de même que d’entendre cette chose parler. Même un créature inhumaine avait plus de langage qu’elle… pas mal ça. Même cette créature semblait avoir plus d’humanité qu’elle… mais avait elle encore le droit d’être humaine ? Cette gifle et cette punition lui avait fait comprendre que non. Sa vie n’existait que par la volonté de cet homme qui devait la voir comme une gamine puérile, qui devait partager la même opinion que Tael.
Mais ce n’était pas grave. Elle allait se taire… à tout jamais, vu qu’il ni avait qu’ainsi qu’elle resterait en vie.

Ismael fit une pause au moment d’entrer sur le chemin avec l’envie de se retourner… de dévisager cet étrange groupe. A la place, elle ôta sa veste et la noua à sa taille, dévoilant sur son corps la marque du clan Shivera inscrit sur le dos son T-shirt.
Il ne lui avait pas demandé son nom… cette information ne devait pas avoir d'intérêt... mais qu’il sache au moins durant quelques temps d’où elle venait… pour que la jeune fille ai l’impression d’avoir le début d'une identité.